"Le départ siège à l’orée de notre porte à Chapora. L’exil est prévu pour demain. Avec Maya, nous rassemblons notre bordel et on ne va pas se mentir, il est impressionnant. Des vêtements sont venus se rajouter à ceux avec lesquels nous étions arrivées. Ils sont éparpillés de parts et d’autres de la pièce en boule, froissés ou encore emmêlés les uns dans les autres. Des mégots gisent sur le sol et des montagnes de poussière d’encens ont noirci le carrelage blanc. On y trouve aussi des sacs poubelles remplis. La plupart sont bordés de mouchoirs ou de paquets vides de cigarettes de marlboro rouge ou encore de camel bleu. Des cadavres de bouteilles de breezer, de vodka, de jus fruits divers et d’autres d’eau sont rassemblés telle une armée à l’entrée près à être jetés. J’ai du mal à croire que c’est déjà la fin. Vingt sept jours se sont écoulés depuis notre retour d’Hampi. Six cent quarante huit heures de brèche dans le sillon de ma vie. Vingt sept aubes et tout autant de crépuscules vécus à travers une fête increvable. Le temps s’est suspendu et Goa nous a entrainé dans son onirique festival ; au dessus de nos vies, loin de nos préoccupations ordinaires et de nos habitudes. Un mois de révolution où les barrières sociales de notre société aseptisée ont été abolies. Une vie auréolée de légèreté. Nous avons mis un point d’honneur à respecter un rituel dénué de tout tabou. Sexe, défonce, tromperie, fête, alcool, insouciance, inconscience. Puis on reprend les mêmes et on recommence. Deux millions trois cent trente deux mille huit cent secondes d’absolu lâcher prise dans un univers dionysiaque sublimé par la drogue et ses fantasmes. Un spectacle vivant quotidien d’extase où nous nous sommes noyées dans le rire, l’espoir, l’optimisme et l’enthousiasme mais aussi perdues dans l’intolérable désinvolture de l’indécision dû à nos constants états altérés. Nous nous sommes autorisées des choses que l’on ne se seraient en aucun cas permises ailleurs. On s’est inventé du vertige en se rapprochant des précipices sans jamais y plonger. Coupées du monde, nous nous sommes immergées dans un pèlerinage transgressif dont le chemin fût rempli d’excès. naviguant comme on veut où l’on veut et quand en veut sans se soucier des conséquences qui en découleraient sur nous et sur les autres. C’était unique et magique, ça m’a changé à jamais et je commence à accepter qu’un nouveau chemin s’ouvre à moi dans lequel Louis n’a plus sa place."