Entre alternative au bois de chauffage, isolant, excellent paillage, création de haie et épurateur naturel, le miscanthus, aussi surnommée « Herbe à Éléphant » est une plante au potentiel écologique incroyable. Encore peu connue en France, il paraît évident de plaider en sa faveur.
Le miscanthus, plus d’un tour dans ses tiges
Victor Hugo a dit : « Le bonheur est parfois caché dans l’inconnu ». On peut facilement lui emprunter l’expression lorsque l’on parle du « miscanthus x giganteus », à ne pas confondre avec l’herbe de la pampa qui elle est invasive. Cette plante vivace de la famille de Poaceae (Graminées) a répandu ses premières racines en Asie du Sud et en Afrique. Forte d’une vingtaine d’espèces différentes, elle est issue des marais ainsi que des pentes et des flancs de collines. La hauteur du miscanthus varie de 35cm à 4m pour les plus grandes. Elle est robuste et, contrairement à certaines de ses pairs, sujette ni aux pathologies ni aux attaques de ravageurs. Incroyable, n’est-ce pas ? Avec sa silhouette similaire à la canne à sucre, le miscanthus est une plante pérenne qui se met en terre une fois pour 20 à 25 ans. Ses rhizomes, tiges souterraines dont les bourgeons se forment et se développent tous les ans, lui octroient une vie longue et heureuse. Les cannes se développent durant l’été et à l’automne ses fleurs naissent pour persister ensuite tout l’hiver. Au gré des saisons, son feuillage nous raconte son histoire passant de la couleur verte en été pour tirer sur le jaune, orange, rouge ou encore chocolat en automne. Même si en tant que graminée, elle est friande d’eau, le miscanthus résiste à la déshydratation et peut largement fleurir sur des sols caillouteux, argileux, sablonneux…
Le miscanthus, une plante aux mille vertus
Le miscanthus peut s’utiliser à l’infini. Il a l’avantage de ne recourir à quasiment aucun intrant, excepté la première année voire la deuxième, au cas où certaines adventices lui chercheraient misère en tentant de l’étouffer. Ensuite, ses feuilles mortes constituent ce que l’on appelle le mulch qui forme un parfait paillage naturel. Il recycle facilement l’azote et retient l’humidité car ses fibres spongieuses sont absorbantes. Avec un processus de décomposition facile, ses feuilles enrichiront la terre de leurs nutriments et serviront d’alimentation à nos amis souterrains tant végétal qu’animal. De plus, il protège la biodiversité ainsi que l’érosion du sol. A l’instar du roseau, son système racinaire particulièrement dense lui permet d’absorber les métaux lourds. Il est idéal pour tous les captages d’eau victimes de nitrates de pesticides ou de coulées de boue. En Alsace, la teneur en nitrate dans les puits d’Ammertzwiller a diminué de 18,6 % entre 2009 et 2013 grâce au miscanthus. La ville a également observé un ralentissement des coulées de boue grâce aux cultures de la plante. En effet, le Miscanthus peut prospérer dans des champs gorgés d’eau, assure la stabilité du sol et que la qualité des récoltes n’est pas compromise par les inondations ainsi que l’a démontré une étude de l’Institute of Biological Environmental and Rural Sciences (IBERS) de l’Université d’Aberystwyth (Pays de Galles).
La qualité absorbante de ses cannes en fait une véritable éponge et donc une bonne base de litière pour les animaux de ferme. Récoltées en fin d’hiver, ses cannes contiennent moins de 17% d’humidité et peuvent servir de combustible sans avoir besoin d’une période de séchage. C’est d’ailleurs son utilité principale. Le miscanthus est une très bonne alternative écologique et économique au bois du fait que son pouvoir calorifique est bien supérieur (4700 kWh/tonne contre 3300). Dans le Haut-Rhin, la ville de Bernwiller chauffe désormais ses 1 200 habitants grâce à la plante. Sur la ferme de Thimert-Gatelles,15 tonnes de matière sèche ont remplacé le fuel. Le miscanthus est cultivé directement sur 3ha, ce qui rend la ferme autonome en chauffage pour les 300m2 de bâtiments et en eau chaude, et lui évite de dépenser 3450 euros chaque année. « Mon miscanthus me permet d’économiser l’équivalent de 5000 L de fuel par an, mais c’est aussi un nouvel habitat fixe dans la plaine céréalière, favorable au développement de la biodiversité » explique l’agriculteur Nicolas Maisons.
Il faut tout de même noter deux petits bémols pour les particuliers qui voudraient se lancer. D’une part, elle requiert des chaudières spécifiques car sa teneur en silicium peut boucher nos cheminées et, d’autre part, elle génère beaucoup plus de cendres. Cependant, elle fonctionne parfaitement pour faire chauffer un rocket-stove ! Les cannes peuvent également être utilisées comme isolant en écoconstruction seules ou mélangées à d’autres matériaux. De par son aspect touffu et robuste et sa croissance rapide, le miscanthus peut créer une haie qui pourra servir de « brise-vent » pour protéger nos cultures ou encore être utilisée comme « brise-vue » pour s’isoler des regards. La haie de miscanthus est une alternative aux arbustes. La variété la plus utilisée pour la conception de ces dernières est le miscanthus sinensis Gracilimus avec son port dense et son fin feuillage. Il est aussi possible de cocréer avec deux autres variétés connues pour leur résistant feuillage, à savoir des miscanthus transmorrisonnensis et des miscanthus sinensis « Emmanuel Lepage ».
Une filière durable qui demande à être développée
Selon l’association France Miscanthus, ce sont 11 000 hectares qui sont aujourd’hui cultivés en France, avec une progression de 14 % par an observée ces dernières années. Depuis 2017 les surfaces de miscanthus ont doublé. Le nombre d’exploitations cultivant du miscanthus se porte à 2 467 en 2023, soit une moyenne de 4,3 hectares par exploitation. Le miscanthus reste pour l’instant une culture de diversification. Les agro-industriels se sont rendus compte qu’il était possible de produire à partir des cannes du miscanthus de l’éthanol (biocarburant), de la biomasse à méthaniser, des fibres pour la fabrication de papier, panneaux de particule, matériaux d’emballage, pots biodégradables et même pour remplacer le PVC dans de très nombreuses applications (stylo bille, volant de voiture, enjoliveur, etc.). La filière commerciale n’est pas encore développée même si certains agriculteurs, notamment dans le nord de la France ont flairé l’incroyable potentiel de ce végétal.
Le miscanthus est indéniablement une alternative durable à planter dans nos jardins à condition de réfléchir intelligemment au rôle qu’il va y jouer afin de lui trouver son emplacement idéal. En ce qui concerne son développement à l’échelle nationale, il en va d’intérêts conjoints des industriels, des agriculteurs, des citoyens et des politiques. Mais n’avons-nous pas tous le même ? A savoir la préservation de la vie sur terre en mettant en œuvre des pratiques respectueuses de la biodiversité ?