Eh toi, là-bas ! Oui oui, c’est bien de toi que je parle ! Arrête de regarder derrière toi pour voir si c’est d’autre que j’interpelle. Te rappelles-tu quand je te voyais avec cette prestance d’adulte accompli et mature ? Celle que tu utilisais pour me persuader des histoires que tu me comptais. Il est si facile de bercer les innocents d’illusions séduisantes. Paraîtrait-il que toutes nos chroniques de vie commencent par « Il était une fois » ; Quelles ne sont que de simples lignes droites, longilignes, creuses et insipides ? Un point de départ couplé d’un point d’arrivée. Définis ou non. Un néant omniprésent. Une piste abîmée par les passages incessants des coureurs essoufflés de cette course effrénée. Mais aussi déterminés. Hypnotisés par cette chimère. Celle, qui agrippée à leurs épaules murmure inlassablement qu’il faut vouer son existence à cette ligne d’arrivée. C’est cette chimère que tu incarnes, celle qui clame : « Tu vois, il est facile d’exister ! Sois fort et avance ! ».
Eh toi là-bas ! Oui oui, c’est bien de toi que je parle ! Le temps a depuis longtemps écoulé les graines de sable de son immense sablier. L’aspirateur du temps est bien en marche. Ta carrure d’adulte accompli n’est plus qu’une mauvaise réplique. Celle d’une réalité qui ne trouve de sens que parce qu’on veut bien lui en donner. « Tu vois, il est facile d’exister ! Sois fort et avance ! ».
Eh toi là-bas ! Oui oui, c’est bien de toi que je parle ! J’aimerais te dire quelques mots. Fais de ta route une ligne courbée, angulaire ou de n’importe quelle forme que tu désires. Tant que tu la désires ardemment. Sois fort, mais aussi sensible, perdu, impulsif, sauvage, curieux, odieux, grand, petit ! Embrasse ce qui fait de toi un être humain : ta complexité et ton droit à l’erreur. Utilise ton droit à crier, à dire non, à ne pas être d’accord. Utilise ton droit à te révolter. Utilise ton droit à errer, à chercher, à te faire mal et à te relever. Utilise ton droit à recommencer. Autant de fois dont tu auras besoin. Ne laisse pas les démons de nos cités dévorer tes rêves de liberté et de vie. Ils les effraient. Les routes les plus escarpées sont souvent celles qui nous mènent aux plus belles destinations. Ne réprime sous aucun prétexte tes larmes. Même si elles font écho à des souvenirs un peu trop sucrés, Et qu’au finale c’est un goût de sel que tu décèles aux coins de tes lèvres. Le passé peut avoir une saveur amère quand on le regarde comme une vidéo que l’on rembobine sans fin. Il faut savoir en user avec attention. Et non dans l’obstination. Suffisamment pour te remémorer d’où tu viens, Et non pour brider ce que tu deviens.
Eh toi, là-bas ! Oui oui, c’est bien de toi que je parle ! Personne ici n’a le droit de dicter nos pas, ni de nous persuader que nos vies sont restreintes par un point de départ et d’arrivée. Cette course après le temps et la vie n’est que le fantôme de nos angoisses alourdie des fardeaux que l’on nous fait supporter. Aussi, souvenons-nous qu’un jour, quelqu’un nous a révélé cette merveilleuse intuition : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »
Alors vivons insensément, Vivons intensément ! Car la vie n’est ni début, ni fin Elle est. Et c’est déjà beaucoup. Liza Tourman.