A l’image du pattern de Turing où des corridors écologiques se créent entre deux arbres éloignés afin de transformer une prairie en forêt, l’Europe propose une aide financière à travers son programme Erasmus+ pour soutenir des structures et créer un réseau d’échanges autour de pratiques régénératives. Lucie Llorens, membre du collectif L’école des Vivants (EDV) de la Z.E.S.T.E (Zone d’Expérimentation Sociale, Terrestre et Enchantée) situé à Saint-Geniez, nous raconte la co-création de son projet C.I.R.C.L.E regroupant dix jours durant 30 participants originaires de 6 pays Européens.
Erasmus +, un programme de coopération européenne
Erasmus + est le programme de l’UE dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la jeunesse et du sport pour la période 2021-2027. La Commission Européenne a alloué un budget de 30 milliards d’euros pour encourager la mobilité internationale des apprenants. L’objectif : permettre à des jeunes, des adultes et aux acteurs de la jeunesse de s’impliquer dans des projets partout en Europe. Pour comprendre les méandres de ce vaste programme riche mais complexe, nous avons interrogé Lucie Llorens, ingénieure agronome de formation. La Z.E.S.T.E a bénéficié de 54 504€ à travers la subvention de Mobilité des acteurs de la jeunesse pour leur projet C.I.R.C.L.E (Collective Intelligence For Regenerating Cultures & Living). Cette subvention accessible deux fois par an soutient des initiatives allant de 3 à 24 mois (incluant préparation, programme et suivi) portées par un minimum de deux associations partenaires. La durée de l’activité est de 5 à 60 jours hors voyage et regroupe de 2 à 50 personnes sans limite d’âge. Il veut respecter la parité et être inclusif.
Plus L’école des vivants est portée par un collectif de 9 personnes et a été co-fondée par Alain Damasio. C’est une école buissonnière portée par le triptyque : Politique, Ecologie et Art. « Je suis arrivée ici avec l’objectif de régénérer nos sols et de montrer que, même à 1300m d’altitude, il est possible de faire pousser des légumes et des arbres si l’on prend soin des cycles de l’eau. C’est ainsi que je me suis dirigée vers le bureau d’études PermaLab qui accompagne des structures comme la nôtre dans les designs en hydrologie régénérative. » explique Lucie Llorens pour La Relève et La Peste Fort de nombreuses expériences au sein du programme entièrement financé par l’Europe, PermaLab leur recommande de déposer un dossier pour faire venir des jeunes en créant des partenariats avec d’autres structures européennes motivées par les mêmes valeurs et pratiques, notamment dans ce cadre, celles liées à l’eau. « J’ai découvert un nombre de projets incroyables avec qui pouvoir tisser et nouer des liens ! Dans le cadre de C.I.R.C.L.E, nous avons cocréé avec 5 associations issues de Grèce, Slovaquie, Malte, Ukraine et Italie. » s’enthousiasme Lucie Llorens auprès de La Relève et La Peste Chacun des partenaires a envoyé 5 participants connectés par ce même rêve de construire un monde résilient. Ils ont ainsi été accueillis dans ce magnifique lieu appelé les RAYES pour une durée de 10 jours et ont été formés à l’agroécologie, la permaculture, l’hydrologie régénérative et l’agroforesterie par les équipes de PermaLab et de la Z.E.S.T.E. « Cela nous a permis de financer le design co-réalisé avec Permalab à l’échelle des 50H pour voir quels aménagements étaient possibles pour ralentir ce ruissellement de l’eau. Il a été utilisé comme outil pédagogique lors du séminaire avec ces 30 jeunes. Il y avait une partie théorique le matin, et après on allait appliquer ces pratiques directement sur le terrain » détaille Lucie Llorens pour La Relève et La Peste
Nos différences font nos forces
La richesse de ce programme réside dans ce leitmotiv : « L’Union fait la force », pour mutualiser ces savoir-faire et connaissances autour de pratiques régénératives. Les associations viennent avec leurs problématiques locales dont la racine commune se trouve dans le réchauffement climatique. Comme le dit Eugène Ionesco : “l’univers de chacun est universel”. « L’agriculture que nous mettons en place à la zeste s’inspire d’Eugenio Gras, un paysan-ingénieur mexicain, du travail d’Allan Savory en Afrique du Sud pour ce qui est du pâturage et de Jean-Martin Fortier en France pour le maraîchage bio intensif. C’est important de s’inspirer de ce qu’il se passe ailleurs puis de diffuser ces pratiques à une large échelle. On va tous faire face aux mêmes problématiques de sécheresse, d’inondations et de sol qui ont été complètement dégradés. A travers CIRCLE nous avons tissé des liensavec des projets similaires au notre dans 5 pays d’Europe pour uneagriculture respectueuse de la biodiversité et résiliente face aux changements climatiques. » explique Lucie Llorens pour La Relève et La Peste Ce projet a permis au collectif d’être accompagné techniquement en hydrologie régénérative et en Keyline design (technique d’aménagement paysager visant à maximiser l’utilisation bénéfique des ressources d’une parcelle) par ce bureau d’étude. Il a pu développer une perspective sur ce qui est possible de faire aujourd’hui, dans 10 ans puis dans 20 ans. Pendant le séminaire ont été mis en place des aménagements tels que des fascines, des baissières ou encore une mare. Toutes ces techniques permettent le stockage et l’infiltration de l’eau dans les sols, ainsi que de recréer des îlots de biodiversité.
Une dimension multiculturelle
Un autre levier du programme est la partie informelle qui regroupe permaculture humaine, théâtre, danse et toutes les activités qui créent une dynamique de groupe et renforcent les liens de confiance en soi et envers les autres. Chaque association, par le biais de ses participants, doit amener quelque chose de typique (un plat, une danse, un instrument) de son pays pour toucher de plus près cette richesse multiculturelle qu’est l’Europe. « J’étais super contente de rencontrer des cultures que je ne connaissais pas du tout comme Malte. Cette petite île perdue au milieu de la Méditerranée entre l’Afrique du Nord et l’Italie parle une langue arabe écrite avec l’alphabet Européen » raconte Lucie Llorens pour La Relève et La Peste Réunir autant de cultures différentes permet de tisser du lien humain … « De voir que des gens arrivent sans se connaître et, qui à la fin des 10 jours, se serrent dans les bras en se disant : « mais oui, on se revoit en Slovaquie, en Grèce, etc ». Même si cela est dit dans l’émotion de la fin de la formation, l’intention est là ! Voir dans leurs regards qu’il y a eu un avant et un après, que l’on a réussi à semer des graines dans leurs têtes et à les avoir rendus heureux, c’était la plus belle des réussites ! » se réjouit Lucie Llorens auprès de La Relève et La Peste Mais ces rencontres confrontent aussi les participants aux réalités parfois tristes du monde, et aux inégalités qui peuvent subsister d’un pays à un autre. « L’Ukraine était pour moi un vrai challenge. Accueillir des gens qui viennent d’un pays en guerre, leur offrir une bulle de respiration pendant 10 jours puis leur dire au revoir en sachant qu’ils retournent sous les bombes. Vu comme va notre monde, on devra de plus en plus faire face à ces situations, accompagner et être avec ces personnes qui vivent ces guerres. C’était une expérience très intense. Je suis admirative de ces femmes qui sont venues et que j’ai trouvées très courageuses » confie Lucie Llorens pour La Relève et La Peste
Ce programme est comme une ouverture vers le monde de demain. Une rencontre entre humains militant pour des pratiques résilientes et pour le respect des Vivants.