De l’animal machine à l’être sensible Lutte pour des alternatives à l’expérimentation animale « On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux » Mahatma Gandhi.
Dans un passé pas si lointain, à l’ère de la toute-puissance de l’industrie du tabac où cette dernière nous rendait encore en bonne santé ; une partie de la communauté scientifique se rassemblait afin de prouver ce que l’on aurait pu nommer sans scrupules une majestueuse entourloupe. Comment ces derniers s’y prenaient-ils ? En sollicitant une aide précieuse et innocente : Celle des animaux. Ils badigeonnaient les souris de goudron, engendrant ainsi des cancers ou encore en forçant des singes attachés solidement au cou à fumer en non-stop. Depuis, fort des combats des associations de protection des animaux, il y a eu des avancées sur la réglementation encadrant l’expérimentation animale. Mais qu’en est-il entre réalité et dissimulation ? Et surtout des points de vue qui séparent les individus dans leur rapport aux animaux ?
Au sein de l’union européenne, la répartition des cobayes utilisés est faite ainsi : 90 % sont des souris, des rats, des poissons ou encore des oiseaux ; 10 % sont des lapins, des cochons d’Inde ou encore des poulets. Et un infime pourcentage mais représentant tout de même des dizaines de milliers de victimes sont des chiens, des chats ainsi que des singes. La Belgique est l’un des pays de l’UE le plus concerné par cette thématique. Aujourd’hui plus de 538 000 animaux sont soumis chaque année à des expérimentations dans ses laboratoires. S’appuyant sur l’argument de la biologie fondamentale, les chercheurs justifient ainsi les tests comme ceux de toxicité, de virologie, de traitements oncologiques (anti-cancéreux) comme nécessaires à la recherche et au développement. En 2017, 1856 tests sont effectués sur des chiens, 82 536 expériences sont considérées par les chercheurs comme octroyant des souffrances « graves » aux animaux. Enfin, 157 496 souris sont élevées et tuées sans avoir subis d’expériences.
Rétrospective sur deux points de vue diamétralement opposés.
Les défendeurs de l’expérimentation animale se targuent qu’elle est le b.a.-ba des avancées scientifiques et la panacée de la lutte contre les maladies graves. Permettant de comprendre ces dernières et de développer ainsi les moyens de les éviter ou de les soigner. Selon l’European Animal Research Association (EARA), elle a permis toutes les percées médicales de la dernière décennie. De plus, la mise en place du code Wallon le 1er janvier 2019 élaboré par le ministre Di Antonio, encadre désormais l’expérimentation animale : Les établissements doivent être agréés, les chercheurs doivent soumettre leur projet de recherche à l’autorisation préalable d’une commission d’éthique locale, une check-list de contrôle est élaborée par un expert qui transmet un rapport trimestriel au département du bien-être animal. Aussi, une cellule locale est mise en place pour appliquer les recommandations du dit expert. Les utilisateurs doivent désormais appliquer le principe des 3R : Remplacement, Réduction, Raffinement. Son but ? Limiter les nombres d’animaux utilisés et recourir à des méthodes alternatives qui n’utilisent pas des êtres vivants ou le moins possible. Pourtant, les chiffres, en constante augmentation des dernières années, prouvent qu’il n’y a pas de réelle volonté de trouver d’alternative à ces pratiques. Ainsi, derrière cet écran de fumée insufflé par la mise en place de lois, réglementations et de démonstrations de bonne volonté des chercheurs, on décèle une réalité moins idéale que celle écrite sur le papier. Penchons-nous du côté des associations de défense des animaux qui se battent au quotidien pour révéler aux citoyens les sévices que subissent les animaux et qui sont payés en partie par leur impôt ; alors qu’un récent sondage a démontré que 68 % des européens sont opposés à ces méthodes cruelles.
En 2016, une membre de Gaïa a infiltré l’université libre néerlandophone de Bruxelles (VUB) au campus de Jette. Grâce à une caméra cachée, elle révèle au monde les atrocités qui y sont perpétrées : les comportements anormaux et démentiels des rongeurs dus à des conditions de vie plus qu’insalubres. Parfois à plus de 17 dans les cages, les animaux se battent, s’automutilent, se dévorent entre eux et se blessent alors même qu’ils n’ont subi aucune expérience. Après avoir questionné plusieurs chercheurs, il s’avère que les trois-quarts d’entre eux ne peuvent même pas quantifier le niveau de douleur qu’ils infligent aux animaux entre 1 et 4. Quand il y a surplus d’animaux, on les décapite ou on les euthanasie en les plaçant dans des congélateurs pour qu’ils meurent. Pendant la période couverte par cette enquêtrice, elle n’a pu constater qu’un seul contrôle. Le responsable avait été prévenu une semaine à l’avance, laissant amplement le temps aux chercheurs de camoufler la vérité.
De nombreuses associations comme Gaïa, PETA, S.E.A ou XT animale se mobilisent pour l’arrêt de de la recherche effectuée sur les animaux : «La plupart d’entre nous n’accepterait pas que des millions d’êtres humains naissent chaque année dans le seul but d’être soumis contre leur gré à des tests dangereux et invasifs. Alors, pourquoi accepterions-nous que des animaux non humains soient privés de nourriture, d’eau ou de sommeil, ou bien soient empoisonnés, brûlés, gazés ou électrocutés avant d’être enfin tués ?», estime Peta. L’argument du camp adverse est de mettre en avant qu’aujourd’hui, ils utilisent des animaux génétiquement modifiés qui ressentiraient moins la douleur, comme les poissons zèbres. Alors d’une part, nous pouvons ouvertement nous poser la question de la légitimité de ces expériences à partir du moment où souffrance il y a, peu importe sa quantification, et d’autre part, ces fameux poissons zèbres ne partagent que 75 % du patrimoine génétique humain. Sachant que des expériences sur d’autres animaux avec un patrimoine génétique plus proche du nôtre sont invalidés par la science, la question de leur pertinence se pose largement. De plus, les coûts engendrés par les conditions d’élevage sont terriblement élevés. Privilégier la libération de fond pour la recherche de méthodes alternatives sans animaux et moins coûteuses s’avère donc être la solution.
Nous savons pertinemment, et les urgences qui nous entourent n’ont de cesse de le démontrer, qu’il est difficile de faire évoluer et de transformer le point de vue de vieux mammouths ; de déconstruire les acquis et de rechercher des alternatives viables prenant en compte le bien-être de tous comme celui de la planète dans sa globalité. Preuve en est le gel du projet proposé par la ministre du bien-être animal belge Céline Tellier et qui constitue le chapitre VIII du code Wallon. Ce dernier propose de taxer l’expérimentation animale, de prévoir un financement en faveur de méthodes innovantes sans animaux (travail en culture cellulaires humaines (in vitro), l’analyse de génome humain, la bio-informatique ou l’utilisation de la « banque d’organoïdes » etc …) qui seraient fiables dans la mesure où le patrimoine génétique serait humain. Malheureusement, sous la pression tenace de nombreux scientifiques, la ministre a dû suspendre son arrêté qui a priori serait repoussé au mieux à 2022/2023. Il serait donc convenable de se demander pour quelles raisons tant de voix se sont élevées contre ce projet alors que ces mêmes protestations se disent engagées et ouvertes à l’amélioration de la cause animale. Duplicité ?
Dans ce contexte obscur, il est important de lutter pour que les citoyens et les autorités compétentes et indépendantes (vétérinaires, associations de protection de animaux etc ... ) s’emparent de ce sujet si important et éthique et établissent eux-mêmes des lois régissant les questions sur l’expérimentation animale. Des associations comme XT animale (Collectif extinction Rébellion animale), ont récemment mené une action dans plusieurs universités belges dont celles de Liège pour dénoncer l’opacité et l’absence de démocratie qui flottent autour de ces institutions : Un cimetière animal, une procession mortuaire, des stèles avec des photos de souris, de chiens, de singes, de poissons ont été déposées dans ces institutions, lieux symboliques de ce combat.
A l’aube de la sixième extinction de masse, du réchauffement climatique qui se rapproche de nous à vitesse grand V. Au milieu d’une pandémie où la course aux vaccins représente plus qu’une question d’actualité, n’est-il pas évident que la thématique de l’expérimentation animale est devenue plus urgente que jamais ? Souhaitons-nous vraiment que les animaux soient les victimes de nos erreurs ou les épargnerons-nous en mettant nos efforts et notre argent dans la recherche de méthodes alternatives à l’expérimentation en laboratoire sur des êtres vivants et doués de sensibilité ?