Les insectes, des populations en voie de disparition. Selon un proverbe français : « Qui méprise les petites choses n'en aura jamais de grandes. ». Alors qu’avec plus d’un million d’espèces répertoriées, les insectes rassemblent les animaux les plus diversifiés au monde ; ils sont aujourd’hui en voie d’extinction. On décompte sur terre plus d’un milliard de milliards de spécimen, composant une biomasse supérieure à celle de tous les êtres vivants terrestres, humains compris. On estime qu’il y a en moyenne 200 millions d’insectes par individu. Malgré ce chiffre impressionnant, une analyse globale recense le déclin de leurs populations de 1 à 2 % par an. Les causes ? L’artificialisation des sols, le réchauffement climatique, les stéréotypes négatifs, les pesticides et la pollution lumineuse, en représentent les principales. Pourtant, un grand nombre d’entre eux sont des alliés essentiels à la survie des écosystèmes, de la biodiversité et de la nôtre. Des chercheurs estiment que d’ici 100 ans, tous les insectes auront disparu, au risque de faire disparaître toute vie sur terre.
Etat des lieux d’un déclin en constante augmentation. David Wagner, chercheur à l’université du Connecticut, l’affirme : « la nature est en état de siège ». En 2017,une étude inquiétantea révélé qu’en Allemagne, en quasiment trente ans, 75 % de la biomasse des insectes volants avait cessé d’exister. Pire encore, en 2019, des travaux annoncent que 40 % des espèces pourraient s’éteindre au cours des prochaines décennies. Pourtant, malgré toutes ces mises en garde, la disparation de ces populations ne cesse de croître. Plusieurs vecteurs en sont responsables. Dans un premier temps, il y a l’agriculture intensive qui, en plus de détruire les habitats, utilise des produits phytosanitaires dont certains pesticides mortellement connus sous le nom de néonicotinoïdes. Parmi eux, l’immidaclopride, le chlothianidine et le thiametoxame. Parmi les victimes et non des moindres, nous évoquerons les abeilles, nées il y a 65 millions d’années. En effet, quelques milliardièmes de gramme suffisent pour la tuer au moindre contact. Les abeilles butineuses et fécondeuses sont les principales touchées. Le réchauffement climatique joue, lui aussi un rôle prédominant. En effet, toujours selon le professeur Wagner "Les insectes sont vraiment vulnérables à la sécheresse[...] Des choses comme les libellules ou les demoiselles peuvent se déshydrater jusqu'à la mort en une heure si le taux d'humidité est très bas". Autre, facteur de déclin, l’artificialisation des sols. Tout d’abord, parce qu’elle détruit leurs habitats via la transformation des terres naturelles aux fins d’urbanisation mais aussi par la perte des espaces floraux, de sites de nidifications et d’hibernation. On peut y ajouter la canalisation des cours d’eau, l’asséchement des zones humides et la pollution lumineuse extérieure. Un dernier facteur, moins évident mais tout aussi important : les préjugés que nous portons à ces espèces. Nombre d’individus ont cette vision erronée selon laquelle les insectes seraient des parasites transmettant uniquement des maladies. Pourtant, ces derniers ne représentent qu’une infime partie de cette famille qui constituent, dans leur immense majorité, des alliés nécessaires à la survie de la vie sur terre.
Rôles des insectes dans l’agriculture et plus généralement dans la sauvegarde de la biodiversité.
Les insectes constituent des « auxiliaires de culture » indéniables. A savoir qu’ils sont des « organismes pouvant être utiles à l’homme », ainsi que le rappelle Raphaël Rouzes, éco-entomologiste agricole. Parmi les rôles qu’ils jouent, on y trouve ceux de digesteur de la matière organique, pollinisateur, destructeur de ravageurs etc … Ils sont essentiels et ont une place majeure dans le bon fonctionnement de notre environnement. En France, 7500 insectes sont concernés par le milieu de l’agriculture dont 5500 comme aide directe. Ainsi, ce que nous nous évertuons à faire passer comme indispensable, autrement dit les pesticides, sont déjà présents dans la nature, sans effet mortifère pour le reste du vivant.
Quelques exemples.
Les insectes décomposent les déchets pour les transformer en matière organique assimilable par les plantes, mais nettoient aussi notre environnement. En Australie, les mouches et les scarabées assainissent les sols via la désagrégation d’excréments d’animaux comme le koala ou le kangourou, évitant ainsi la propagation de bactéries potentiellement dangereuses pour l’homme. Ils aident aussi à la fertilisation. Dans le même registre, on retrouve les lombrics qui, eux, élaborent du compost naturel de qualité. Pour la petite anecdote, une étudea démontré que ce sont les fourmis qui nettoient les rues de New-York.
Leur rôle de pollinisateur est sans doute l’un des plus importants, car bien que quelques plantes soient en autogestion, la plupart d’entre elles, nécessitent l’aide des insectes qui transportent leur pollen vers d’autres fleurs. En effet, 80 % des végétaux dépendent de la pollinisation. Les abeilles permettent ainsi aux plantes de se reproduire vers les périodes de l’année aux températures plus élevées. Il est recensé 100 000 espèces d’abeilles sur la planète, 2500 en Europe dont 1000 en France. Sans les insectes, l’homme perdrait en moyenne 30 % de ses récoltes alimentaires mondiales. Des légumes et des fruits comme les pommes, la famille des choux, le cacao, les fraises disparaîtraient. Il y a un réel rapport mutualiste entre la plante et le pollinisateur ; Elle le nourrit et lui, l’aide à se reproduire.
Puis, il faut rappeler que les insectes font partie intégrante de la chaîne alimentaire. Grand nombre d’oiseaux s’en nourrissent car ils sont une source de nourriture quasi intarissable. Ils font aussi le festin d’amphibiens, de reptiles, de la chauve-souris et d’arachnides. Cependant, les insectes contaminés par des pesticides sont du poison pour une grande majorité d’oiseaux, dont le nombre est, lui aussi en chute libre. En plus de la place essentielle qu’ils occupent dans le fonctionnement des écosystèmes et le maintien de la biodiversité, certains d’entre eux sont des insectes dits sociaux, doués d’une certaine forme d’intelligence. Ce qui donne une raison de plus de les estimer et de les protéger.
Les insectes sociaux.
En sus de faire partie intégrante de la biodiversité (rôles précis, maintien de l’environnement etc..), certains sont prénommés « insectes sociaux » car ils vivent de manière très complexe et organisée. Parfois même, ils inspirent l’homme comme en architecture. Au-delà leur rôle de pollinisateur, les interactions entre eux prennent des formes insoupçonnées. Les insectes ont ainsi un rapport inédit au vivant qui en font des magiciens des écosystèmes. Par exemple, les termites et les fourmis cultivent des champignons ou encore certaines de ces dernières coopèrent avec des guêpes pour se protéger d’autres fourmis ou vont jusqu’à chasser des animaux plus volumineux qu'elles, adaptant la rapidité de leur trajet entre le nid et la source de nourriture. Tout comme les termites, elles construisent des nids dont la complexité inspire nos propres architectes. Voici, un extrait d’« Origines et fonctions de la variabilité chez les insectes sociaux », de Guy Theraulaz, Jacques Gautrais and Jean-Louis Deneubourg qui met en avant l’intrication de leur fonctionnement :« Ainsi, les colonies d'insectes sont capables de produire des structures qui peuvent se développer sur de très grandes échelles comme les réseaux de pistes réalisés par les fourmis de l'espèce Formica lugubris qui couvrent plusieurs hectares et qui atteignent plusieurs dizaines de kilomètres, soit plusieurs millions de fois la taille d'une seule fourmi (Cherix, 1980). (…). Les insectes sociaux réalisent également des structures régulières, parfois très sophistiquées, comme les architectures de nids qui sont construites par des guêpes tropicales du genre Chartergus (Jeanne, 1975) et certaines espèces de termites africains comme Apicotermes arquieri (Desneux, 1956). »
Dans le registre de la communication, les insectes sociaux ont recours à la libération de phéromones appropriés à chaque situation (défense de la colonie, recherche de nourriture ou de partenaires sexuels.). Le système le plus connu est la danse des abeilles qui leur permet d’indiquer l’emplacement des fleurs riches en nectar et en pollen. L’éclaireuse clairsemée de pollen resté accroché à ses poils, exécute un ballet devant les butineuses qui la touchent de leurs antennes pour saisir ses odeurs et ses mouvements. C’est ce que nous appelons l’intelligence collective. La ruche en est un exemple parfait. Qui n’a jamais entendu le bourdonnement incessant à l’approche de l’une d’elles ? Démontrant par la même la grande activité et force de vie qui s’y déroulent en permanence.
Conclusion et perspectives d’avenir pour la préservation des insectes. Pour tous ces rôles que nous avons évoqués plus haut ainsi que le certain caractère social et organisationnel, il semble évident que la protection et la préservation des insectes doivent être diffusées et renforcées au maximum. A notre échelle, nous pouvons les aider en militant contre l’usage des engrais chimiques, en aménageant des composteurs et en installant des hôtels à insectes dans nos jardins. A plus forte raison, en cessant de les utiliser nous-mêmes quand c’est le cas. Les chercheurs proposent de créer des milieux habitables en tondant moins et en plantant des espèces endémiques à nos régions. Comme nous l’avons dit plus haut, il est aussi nécessaire de lutter contre les a priori visant ces populations. Néanmoins, bien qu’elles soient encore peu nombreuses au vue de la gravité de la situation, certaines initiatives sont prises pour sauvegarder cette communauté. Depuis 1985, des bourdons d’élevages, élevés à des fins commerciales, ont vu le jour. En Suisse, plus de 19 000 apiculteurs entretiennent environ 17 000 colonies d’abeilles mellifères. En France, l’association Bleu Blanc Ruche produit du miel 100 % français en utilisant un savoir-faire respectueux des abeilles et en participant à l’implantation d’infrastructures. Dernièrement, le 20 février, l’Allemagne a voté une Loi d’un montant de 100 millions pour sauver les insectes. En contrepartie, elle restreindrait l’usage des pesticides. Elle a par ailleurs entériné l’interdiction du glyphosate « fin 2023 » afin de protéger les insectes. Tandis qu’à l’inverse, dans le même temps, en France, le conseil d’État a validé en mars 2021 la réintroduction provisoire des néonicotinoïdes dans la filière de la betterave sucrière, deux ans et demi après leur interdiction. Il est grand temps, pour nous aussi de passer à la vitesse supérieure si nous ne voulons pas laisser un désert alimentaire aux générations futures.