« Nous sommes convaincus qu'il faut résister aussi bien au caprice mondialisé de la marchandisation libérale qu'au contrôle technocratique des obsédés de la mesure. Nous ne voulons ni d'une fuite en avant dans une société pulsionnelle, ni d'un retour vers un passé qui n'avait rien d'un âge d'or » (Pédagogie : Le devoir de résister, Phillippe Merieu.)
L'Education est peut-être ce qu'il y a de plus important dans la construction d'un individu et plus largement dans la construction d'une société et de son fonctionnement. Elle nous enseigne des valeurs communes, nous apprend l'Histoire et est censé nous forger un esprit critique. A en écouter E. Kant : « On ne doit pas seulement éduquer les enfants d'après l'état présent de l'espèce humaine, mais d'après son état futur possible et meilleur » (Réflexion sur l'éducation).Cependant, même si beaucoup aime à dire haut et fort que l'Education est le point fort et l'outil démocratique de notre système qui nous apprend les valeurs républicaines telles que : liberté, égalité, fraternité ; il suffit de se pencher d'un peu plus près sur le fonctionnement de notre système éducatif pour voir que celui-ci n'est pas sans faille. A côté de nos belles illusions se trouve une réalité sociale beaucoup plus inquiétante qu'on veut la laisser paraître. On s'en prend aux effets et non pas aux causes et on se plaint que la moitié d'entre nous ne soient pas scolarisés. Qui a accès aux études supérieures ? Quels savoirs nous y apprend-on ?
Certes, le statut du système éducatif et son autonomie à évoluer depuis le début du Xxe siècle. L'école est devenue obligatoire jusqu'à 16ans, l'Eglise n'est plus souveraine du programme scolaire, les maîtres sont formés au premier degré et les choix de parcours scolaires sont vastes. Cependant,derrière toutes ces belles avancées, le système éducatif ruisselle d'inégalités et tend à reproduire un schéma social qu'on pourrait appeler celui des « héritiers » (P. Bourdieu).
Commençons par une courte rétrospective de l'évolution du système éducatif depuis le début du XXème siècle : A ses débuts, l'école de la République fonctionnait de manière binaire. C'est à dire qu'il y avait le premier cycle d'étude (le primaire) accessible à tous, même aux classes populaires puis le cycle secondaire d'études supérieures réservé à la bourgeoisie, entre autre par les frais d'inscription universitaire. Ce n'est qu'au début des années 1960 que l’accès à l'enseignement supérieur a commencé à se démocratiser avec 200% de personnes sortant avec un niveau d'étude supérieur long. Derrière ces belles avancées illusoires, on constate tout de même qu'en 2001-2002, il y a 16 fois plus d'étudiants appartenant à la classe de « cadres supérieurs » et qui représentent à eux seuls 32,7% de l'effectif total que ceux appartenant à la classe des agriculteurs exploitants (sources de l'INSEE). Or, combien de pourcent représente la classe aisée dans notre société comparée aux classes moyennes voire populaires ? De plus, on constate qu'il y a 25 fois plus de fils de cadres supérieurs dans le secteur de la santé et en cours de Préparation aux Grandes écoles que de fils d’agriculteurs exploitants et9 fois plus que de fils d’ouvriers. Par contre, il y a 1,5 fois plus de fils d’ouvriers en STS que de fils de cadres supérieurs.
Ces quelques chiffres nous montre donc bien à quel point les inégalités sociales sont encore très fortement encrées dans notre système. Alors pourquoi n'en entendons nous plus parler ? Pourquoi ne parle-t-on que d'échec scolaire ? D'insertion professionnelle ? Est ce une volonté du système de faire passer sous silence les réelles défaillances du système éducatif ? « N'aurait on aucun autre indice et ignorerait-on les voies multiples et souvent détournées par lesquelles l'Ecole élimine continuellement les enfants originaires des milieux les plus défavorisés ? » (Les héritiers, Pierre Bourdieu.) Pierre Bourdieu est l'un des sociologues qui a le plus critiqué le système éducatif actuel. En effet, on peut se demander si l'Etat est au service de la bourgeoisie ou alors à celui de tous. De plus, un autre débat peut être soulevé : Est que parce qu'une institution à la statut d'institution et qu'elle est reconnue par l'Etat est-elle forcément légitime dans les faits ? N'est-elle pas au contraire un moyen de préserver certains privilèges et de reproduire un schéma social que l'on connait déjà que trop bien. Car ce qui peut nous piéger c'est que l’idéologie de créer de l'équité et d'égalité est fondée sur l'idée même d'institution. Nous allons dans ce dossier seulement s’intéresser à l'institution de l'Education nationale, et essayer de prouver comment et pourquoi le système éducatif tend à fonctionner dans un seul sens et non pas à faire avancer la société mais de lui permettre de pérenniser ce qu'elle est déjà. Si on déconstruit ce dernier, on s'aperçoit qu'au sein même du système éducatif, la reproduction de la structure sociale y est très présente. D'une part, on le voit de manière significative avec les chiffres donnés plus haut et d'autre part, et de manière plus insidieuse, des savoirs que l'on y inculque. Le monde change, l'économie change, les flots d'immigration changent, mais le système éducatif, lui, reste le même. En effet, dans une société de cultures diverses et variées, seule la culture dominante à sa première place dans les programmes scolaires. Comment des jeunes venant d'origines différentes, qui ont déjà subi la désorganisation sociale et la discrimination peuvent réussir à s'intégrer dans des systèmes éducatifs qui ne les représentent même pas un peu ? Cela dit, il faut prendre en compte qu'un pays à une histoire bien elle ainsi qu'une culture nationale, ses philosophes, ses sociologues etc ... Mais dans un monde mondialisé et globalisé, il paraît donc impossible de s'en tenir qu'à notre histoire. Les influences entre les cultures de tous les pays sont de plus en plus fortes. Cette reproduction des inégalités est opérée sans en modifier les rapports de force et en donnant, de fait l'illusion de l'égalité. Comme l'appelle Bourdieu, c'est une « violence symbolique », vicieuse et calculatrice qui se mouve dans notre système éducatif. C'est à dire qu'on nous donne le savoir, première cause qui nous amène à devoir avoir une certaine reconnaissance vis à vis de l'état qui nous offre la possibilité d'acquérir des savoirs faire, des savoirs techniques et d'acquérir un certain patrimoine culturel. Toujours difficile de critiquer quand on nous offre, ou achète ? Ainsi, si une personne va rencontrer certaines difficultés dans la réussite scolaire, elle va être amenée à penser que ceux qui ont soi disant « plus de capacités » sont dans le droit légitime d'aller plus loin dans leurs études et que dés lors, les problèmes viennent donc d'eux mêmes et non pas de l'enseignement. C'est l'émanation de la culture dominante.
En instaurant cette modalité, l'école exerce une violence indirecte. On peut donc dire qu'une culture prise globalement n'est jamais une entité uniforme, car elle s'accompagne d'une multiplicité de sous cultures d'origines variées. "l'école a l'habileté de transformer le passé social en passé scolaire et l'héritage culturel en don individuel" (Pralong ) En parlant de culture dominante, on peut prendre pour exemple concret, l'étude de l'art et particulièrement du théâtre : On nous apprend des bases et des techniques pour obtenir une certaine formation. Ces bases qu'on nous inculque sont les grands courants du théâtre, et on ne nous apprend pas ou peu le fait de remettre en cause ses formes théâtrales pour en reconstruire de nouvelles, selon nos idées et ce que nous sommes. Bien sûr, pour reconstruire, il est nécéssaire de savoir comment à évolué le théâtre, quelles grandes transformations l'ont traversé mais il est paraît d'autant plus nécéssaire de nous apprendre qu'elles ne sont pas les seules. On ne parle jamais du théâtre de rue, ou de théâtre populaires qui font partie de ce que l'on appelle aujourd'hui les subcultures et qui coïncident avec la réalité sociale que nous vivons. Alors, si l'on prenait en compte ce que sont les subcultures, leurs origines, ce qu'elles sont, à savoir des personnes provenant d'un certain groupe social qui tentent de créer de nouvelles valeurs, developper de nouvelles formes d'art, se constituer une identité nouvelle propre à leur groupe et faire émerger une nouvelle forme de créativité. l'apprentissage aurait une dimension plus concrète et plus proche de la réalité que si l'on continu à nous apprendre que les grands auteurs et ce que l'on pourrait appeler le Grand Théâtre. Ou encore, on nous apprend une certaine lecture de l'histoire, où nous sommes souvent du côté des vainqueurs et peu de celui des vaincus, alors qu'il faudrait nous inviter à essayer de relire l'histoire du côté des vaincus comme le fait Benjamin Walter pour avoir une vision critique. Par exemple, on peut prendre la guerre d'Algérie qui est vu et appris avec l'oeil Français, alors qu'il faudrait y approfondir le thème de la colonisation ainsi que le point de vue Algérien pour réguler les faits , comprendre les réels enjeux, savoir parler de nos torts et atteindre donc une certaine vision critique. Le problème de la culture dominante n'est pas le seul que l'on retrouve dans le milieu de l'Education, il y a celui de l'intégration des personnes en difficulté comme nous l'avons dit plus ou plutôt à qui ont fait croire qu'ils sont dans l'incapacité de pouvoir aller aussi loin dans leurs études que tous les autres étudiants. Et qu'ils y sont intégrés et qu'ils y ont leur place, car toute personne à le droit à l'éducation et le droit d'étudier sans sentir sur lui une quelconque pression. Ainsi, loin de vouloir régler les problèmes auxquels butent l'ensemble de la jeunesse, on reste dans une logique imparable de répression, de sécurité et de discrimination de plus en plus accrue que l'on essaye de cacher tant bien que mal en mettant en place des systèmes d'aides permettant aux jeunes de milieux défavorisés de rentrer à science politique ; « cette société continue à attiser le feu et à appuyer de toutes ses forces sur le couvercle de la cocotte-minute en espérant éviter l'explosion » (L’éducation peut-elle être encore au coeur d'un projet de société, Philippe Meirieu et Pierre Frackowiak) . Il faudrait pour améliorer la situation mettre en place des dispositifs de prévention ainsi que de commencer une réelle réflexion sur la pédagogie que l'on doit recevoir dans le milieu éducatif. Mais quelle pédagogie nous voulons ? Il semble que ce débat restera ouvert éternellement, j'ai donné plus haut quelques pistes non exhaustives qui peuvent être des outils pour penser ce débat, mais nous vivons dans un système tellement complexe où l'on ne cesse de nous tendre des pièges pour nous laisse croire que ... En effet, le monde évolue ainsi que son économie (comme nous l'avons dit plus haut), l'éducation doit être un outil qui doit nous insérer dans le milieu professionnel, mais dans un monde qui tend de plus en plus vers le libéralisme et la marchandisation des choses, quelles quelles soient, pouvons nous réellement faire de l'éducation q'un outil d'insertion professionnelle et de formatage pour participer à ce processus ? Que restera-t-il de la recherche et des réels savoirs, tel que les sciences humaines ? A la naissance de l'université de Vincennes, on a voulu en faire une université expérimentale et pluridisciplinaires, mixant ainsi les différents savoirs, une transformation des rapports enseignants et étudiants qui de fait remettaient en cause les rapports dans nos sociétés, dans nos vies de tous les jours. Elle avait pour but d'offrir aux étudiants un esprit critique et réfléchie sur le monde. Ainsi qu'une accessibilité à tous et tout particulièrement aux fils d'ouvriers et aux étrangers. La volonté du gouvernement à été de démanteler l'université pour tuer « l'esprit subversif » qu'elle offrait. N'était-elle pas légitime par son statut d'institution ? Pourtant, il semblerait que les institutions qui tendent à vouloir transformer et éradiquer les inégalités sociales ne soient pas les mieux accueillies. Comment peut-on réhabiliter le rôle du système éducatif si on ne veut pas le réformer en profondeur et dans le bon sens ? Il faut obligatoirement prendre en compte les diversités culturelles qui existent dans notre pays, ainsi que les différents milieux dont sont issus les étudiants, car « l'origine sociale est, de tous les déterminants, le seul qui étende son influence à tous les domaines et à tous les niveaux de l'expérience des étudiants, et en premier lieu aux conditions d'existence » (Les Héritiers, Pierre Bourdieu), si l'on veut tendre vers une éducation populaire, qui prennent en compte les différents schémas sociaux et que les études ne soient pas que des études de recherche sur des savoirs transcendants mais qu'elles soient des outils pour permettre de comprendre et ainsi de transformer la réalité sociale telle que nous la connaissons, et pour en revenir à Kant, pour contribuer à l'avancement de l'humanité vers un avenir meilleur. Quand il y a eu la guerre d’Espagne en 1936-1939, on a interdit aux enfants d'aller dans les écoles catholiques. Des écoles populaires ont été ouvertes, où l'on essayait au maximum de prendre en compte chaque enfant tel qu'ils étaient, où l'on enseignait des auteurs qui parlaient de l'être humains comme Gogol et Tolstoï; où les enfants n'y étaient pas punis ; une école ouverte à toutes sans différenciation. Et d'après tous les témoignages qui sont sortis de cette expérience unique de ce qu'a été l'application de l'école populaire, tous les gens en garde un souvenir fabuleux, où ils ont réellement sentis qu'on les prenaient en compte, qu'ils apprenaient la solidarité et aussi à s’émanciper. (Vivre l'utopie, Daily motion) Liza Tourman.